L’éducation aux médias

Ma journée de rêve

Hier, j’ai passé une journée de rêve.  Laissez-moi vous raconter.  Après quelques jours de marasme, j’avais besoin de finir ma journée avec un grand (même très grand) sentiment de satisfaction du travail accompli.  Je me demandais bien quoi faire pour que cette superbe journée se réalise. L’idée m’est finalement venue. J’ai décidé d’emprunter les nouveaux ordinateurs portables que nous avons depuis peu.

Quand j’ai annoncé la nouvelle aux enfants, ils étaient émerveillés.  Je pense qu’ils n’en croyaient pas leurs oreilles.  Et quand les ordis sont arrivés dans la classe, j’ai eu l’impression qu’ils n’en croyaient pas leurs yeux non plus. 

Étant donné que c’était la première fois que je faisais cet emprunt, je ne savais pas exactement à quoi j’avais accès.  Pouvions-nous ouvrir nos documents sur le serveur de l’école?  Pouvions-nous aller sur Internet? J’ai fait quelques tests pendant que les élèves se préparaient pour la dictée en révisant leurs leçons. Et j’ai été ravi.  Non seulement pouvions-nous nous connecter au serveur mais nous avions même accès à Internet dans la classe.  La base sans fil qui se trouve à l’étage en-dessous est assez puissante pour émettre jusque dans notre classe.  À cet instant, j’ai senti que ma journée allait être merveilleuse.

J’ai distribué les ordinateurs aux enfants qui étaient maintenant placés en équipe de deux. Mes élèves se sont tout de suite aperçu qu’il ne restait pas de portable pour moi. Je les ai remerciés de s’inquiéter pour moi et je les ai rassurés en leur disant que j’étais très amplement satisfait juste de les voir travailler à l’ordi. Mes élèves ont un sens du partage et de l’équité.  Ils ont une nature généreuse.  J’ai commencé par expliquer certains symboles présents dans la barre-titre comme le signe du lien sans fil au cas il y aurait une panne ou une rupture du signal Wi-Fi.  Ils doivent savoir qu’Internet n’est pas dans l’ordinateur et que ce n’est pas magique.  Une base dans la labo envoie des ondes aux portables.

Nous avons commencé par faire la dictée.  Une dictée différente.  Ne l’ayant pas encore expérimenté, je ne savais pas trop à quoi m’attendre.  Mais à voir leur enthousiasme et la hâte qu’ils avaient de commencer, je me suis dit que tout irait bien.  Ils ont vite découvert que le traitement de texte leur disait automatiquement quand ils faisaient une erreur; les mots étaient soulignés.  Ils voulaient se corriger tout de suite mais je les ai fait patienter.  J’ai terminé de leur dire les mots de vocabulaire et je leur ai donné le temps de se corriger.  Un rapide survol de leurs écrans m’a permis de voir leur degré de réussite.  Qui aurait pu le deviner?  J’avais la "note" sans avoir à corriger.  L’ordinateur l’avait fait pour moi.  Décidément, cette journée s’annonçait être vraiment exceptionnelle!  Ensuite, je les ai aidés à corriger leurs erreurs.  Exemple de correction:  matério: le mot est souligné.  Les enfants s’aperçoivent qu’il y a une erreur.  Ils essaient de trouver la bonne réponse.  Première stratégie:  vérifier les syllabes.  "ma" est bien écrit; "té" aussi.  C’est donc le "o" qui fait défaut.  On regarde sur les pancartes de sons de la classe.  Le choix est "au" ou "eau".  On en essaie un.  Le mot est toujours souligné?  Il ne reste plus qu’un choix.  Bingo!  Le mot est bien écrit: matériau.  Même chose pour les phrases que je leur ai dictées.  C’était tout simplement génial!  J’étais mort de rire.  Et rien à corriger, imaginez!  Nous avons tout fait du même coup: ma correction en premier et la leur ensuite.  En plus, à la fin, les enfants ont eu la satisfaction d’imprimer un travail dont ils étaient fiers et nous avons même appris des stratégies de correction.  Que vouloir de plus?

Après la récré et la collation, nous sommes allés sur Internet pour regarder les bandes dessinées de nos amis de la classe.  Et tout spontanément, ils ont voulu laisser un commentaire à leurs amis. Quelle surprise de voir plus tard en soirée qu’un élève qui a vraiment de la difficulté à écrire a fait plus de commentaires que les autres. Et ses phrases sont plus lisibles qu’à l’habitude.  Quelle sentiment de satisfaction!  Je ne m’étais pas aperçu qu’il en avait écrit tant parce que j’étais absorbé à aider chaque équipe à corriger ses commentaires avant de les poster.

En après-midi, nous avons visité d’autres blogues et nous avons postés d’autres commentaires.  En tout et partout, nous avons tous eu l’impression que la journée n’avait pas duré plus d’une heure. Le temps agréable est si court. 

C’est dans le livre de Jacqueline Caron, Apprivoiser les différences, que j’ai lu à la page 33 sur les deuils à faire des routines sécurisantes comme, par exemple, les mots de vocabulaire donnés en dictée à tous les élèves, les corrections à la queue leu leu, etc.  Je pense que d’une certaine façon c’est ce que j’ai fait hier.  J’ai fait le deuil des dictées sur du papier.  Si vous ne connaissez pas ce livre, je vous suggère de le consulter.

J’étais tellement content de ma journée, du travail que les enfants ont fait, des stratégies que j’ai pu leur enseigner.  C’était comme si toutes les pièces du casse-tête étaient rassemblées et s’emboîtaient correctement: les enfants, l’enseignant; les portables, Internet; les apprentissages, les compétences et écrire, lire.  J’ai eu soudainement la prise de conscience ou l’envie (Je n’arrive pas à me décider.) que toutes mes journées soient comme celle-là.  J’ai compris alors que l’espace d’un jour, j’ai vécu un peu l’école du 21e siècle.  Maintenant, je me demande comment faire pour réaliser mon souhait.  Devrais-je envoyer mon CV à cette école du Nouveau-Brunswick dont tout le monde parle?  Verrons-nous une exode des enseignants du Québec pour aller au Nouveau-Brunswick ou en France?  (Je blague! 😉Qui s’en soucierait?  Ce n’est pas comme pour les médecins.  Bon.  Assez d’âneries!

Sérieusement, je me demande vraiment si je ne devrais pas regarder ailleurs.  C’est une question de plan de carrière et de satisfaction au travail.  Comme les enfants qui sont peut-être tannés de remplir des feuilles, je me sens las debout devant mon tableau vert, une craie blanche à la main.  Même si j’ai de la difficulté à m’e
xpliquer pourquoi, j’ai encore le feu sacré; j’aime enseigner mais la flamme est plus ardue à entretenir.  Et ce n’est vraiment que la chaleur humaine de mes élèves qui la garde allumée.  Quand ils s’inquiètent qu’il manque un portable pour moi, je fonds littéralement devant leur sollicitude.

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  1. Bonjour,
    On est véritablement à un tournant historique dans l’enseignement. Les institutions qui ne s’en aperçoivent pas vont rater le bateau. Malheureusement, le Ministère de l’Éducation est rempli de dinosaures qui ne peuvent pas s’adapter au changement de paradigme dans l’enseignement. Il va falloir, un jour ou l’autre se liguer, tous les professeurs qui osent devancer les programmes dans leurs méthodes pédagogiques désuètes. Car les élèves baignent dans l’interactivité depuis leur naissance. À nous de les accompagner désormais dans leur cheminement. Nous n’avons pas à les retarder par nos livres, crayons et craies d’un autre temps.
    Bravo pour votre initiative. Bienvenue dans le XXIe siècle, comme vous le dites si bien!
    Guy Ferland

  2. Wow ! Quelle belle journée !
    Je rêve de ce jour…
    Pour que ça change, il faudra des directions intelligentes et des syndicats acceptant la non-uniformisation-à-tout-prix ! Méchant contrat…
    Je respire un coup, le temps d’une relâche qui me donnera un peu de souffle pour continuer, j’espère bien 🙂

  3. Oui c’était vraiment une journée fantastique! Les enfants l’ont appréciée autant que moi. Et qu’est-ce qu’ils ont aimé le plus, vous pensez? Pas les portables. Pas la navigation sur Internet. Pas de regarder des vidéos sur les autres blogues. Pas le temps libre à la fin de la journée. Je suis allé reporter les ordinateurs avec 4 élèves. Ce qu’ils disaient aux enseignants que nous rencontrions m’a vraiment surpris: « Nous avons fait la dictée à l’ordinateur. » Pour eux, c’est ce qui était spectaculaire!

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