La semaine passée, je suis tombé par hasard sur un site fantastique pour aider les enseignants suppléants.  Je me suis alors dit que je devais absolument en parler dans un billet.  Ce matin semble être le bon moment pour en discuter.

Je me souviens de mes débuts dans l’enseignement.  C’était au commencement de janvier 1990, tout de suite après le congé de Noël.  J’avais quatre jours dans une classe de 4e année régulière. J’étais soulagé de voir que c’était au régulier.  Je me disais que ce serait plus facile de commencer ainsi.  Pourtant, ce n’est pas du tout ce qui est arrivé.  La classe était très turbulente.  C’était le genre d’élèves qui n’obéissent qu’à une seule personne.  Le reste n’avait aucune importance pour eux.  Ils étaient donc très déstabilisés par l’absence de leur enseignante. Je me suis présenté et j’ai écrit mon nom au tableau.  Je me suis même fait un petit système d’émulation.  Je me croyais en contrôle.  Ils m’ont vite fait perdre pied.  Je vous épargne tous les détails mais j’y vais en rafale:

  1. À la collation, les enfants se sont lancés des oeufs et de la mayonnaise.  Qui a jamais eu l’idée de servir une telle collation?
  2. J’ai eu le coup de la fameuse punaise sur la chaise du prof… à plusieurs reprises!
  3. Certains enfants se sauvaient de la classe pour aller jouer dans l’école.
  4. Les enfants refusaient de travailler.  Nous n’avons rien fait pendant les quatre jours.
  5. Je me suis fait insulter comme ce n’est pas pensable.
  6. Et pour terminer, une jeune fille est allé raconter que je lui avais donné un coup de pied, ce qui était complètement faux.  Quel cauchemar!  Ma carrière s’annonçait être plutôt éphémère!

Pourtant, j’ai tenu le coup et je suis resté les quatre jours complets.  Je ne pensais pas arriver à être si tenace. Les mois qui ont suivi, je me suis fait un devoir de poser des questions à tous les suppléants que je rencontrais.  J’avais désespérément besoin de trucs.  C’était une question de survie!  C’est dans l’adversité ou dans les situations extrêmes qu’on découvre nos ressources et nos capacités.  Qui aurait dit que je pouvais être tenace?  Je l’ignorais moi-même.

J’ai beaucoup appris pendant ces deux années de suppléance occasionnelle.  J’ai vécu une grande variété de situations compliquées, j’ai survolé un grand éventail de problématiques et j’ai rencontré une foule de jeunes des plus calmes aux plus en difficulté.  Ce fut finalement très enrichissant car c’est ainsi que j’ai décidé de le prendre: je l’ai vu comme un apprentissage.  Je ne ferai pas l’énumération de tous les trucs que j’ai intégrés puisqu’ils sont tous énumérés sur les sites que je vous suggère plus bas.  Prenez-en connaissance et soyez patient.  Soyez diligent envers vous-même.  Chaque jour est différent; les situations le sont tout autant.  Un truc qui fonctionne très bien avec une classe peut vous faire perdre le contrôle le lendemain avec un autre groupe.  Il n’y a rien de déterminé.  Tout est inattendu.  C’est ce qui fait la beauté de ce métier.

Si je peux tout de même me permettre de partager mes trois plus grands trucs avec vous, ceux que je ne connaissais pas en 1990.  Le grand numéro 1:  ne jamais crier.  Les enfants savent que lorsqu’ils crient pendant un conflit, c’est qu’ils ne savent plus quoi faire.  Ne leur donnez pas cette impression.  Dans une situation difficile, il faut une bonne dose de cran pour repérer ceux qui se comportent bien, s’y attarder et trouver quelque chose à faire pour désamorcer la situation.  N’allez pas où les enfants vous amènent, prenez la situation en main en faisant quelque chose de différent. Rapprochez-vous de ceux qui se comportent bien et faites leur choisir une récompense qu’ils auront, une fois le travail terminé.

Numéro 2:  n’attendez pas avant d’agir.  Soyez présent et intervenez rapidement sur les comportements qui vont provoquer une désorganisation.  N’oubliez pas qu’il n’y a que quelques élèves qui vont vous tester au début.  Si vous leur tenez tête dès le départ, les autres n’oseront pas vous défier.  Si au contraire, vous attendez avant de manifester votre désaccord avec le comportement, vous ouvrez la porte à la désorganisation.

Numéro 3:  Félicitez ceux qui se comportent bien.  Ils serviront d’exemple aux autres.  Vous n’avez pas à parler constamment.  Il faut éviter de nommer tous les mauvais comportements que vous voyez.  Par exemple:  arrête de faire du bruit avec ton crayon, ne te lève pas pour rien, ne parle pas à ton ami, etc.  Vous attirerez l’attention des enfants sur ce qu’il ne faut pas faire.  Au contraire, souligner les bons comportements en les pointant lorsqu’ils se présentent.  Exemple:  bravo! tu travailles bien; super! tu es en silence; félicitations à un tel, tu restes à ta place.  Les enfants comprennent rapidement cette façon de communiquer.   Ils comprendront très vite ce que vous attendez d’eux.  Il faut par contre être très vigilant pour noter les bons comportements.  On s’habitue rapidement à ne voir que les négatifs.

Avez-vous remarqué que je ne parle que des comportements?  Car c’est bien ce dont il s’agit.  Les comportements des enfants sont différents parce que vous n’êtes pas leur titulaire.  Ils n’agissent pas ainsi avec leur enseignant.  Ce ne sont pas de mauvais enfants, ils ont seulement un mauvais comportement.  La perception est très différente.  En ne pensant qu’aux comportements, on perçoit encore le côté humain des élèves.  Vous serez moins désemparés si vous vous sentez entourés d’enfants plutôt que de petits monstres.  Après tout, on peut « développer » un comportement mais il est impossible de « changer » un enfant.

Quelques liens intéressants pour vous aider:

S.O.S. suppléance,  superbe site regorgeant d’une foule de conseils, activités et dépannage.  À connaître absolument.  C’est l’équivalent du cours 101 du suppléant.  Le cours que vous n’avez malheureusement pas eu à l’université.  Combien de jeunes enseignants débutants se sont « cassé les dents » au début de leur carrière?  Pourquoi ne sont-ils pas préparés en conséquence?  C’est la façon de faire les choses ici:  on jette les gens dans la fosse aux lions en s’attendant qu’ils échouent.  On les ramassera à la petite cuillère après. Cela nous réconforte dans notre petitesse.  Tout va mal, le système est pourri, les enfants ne savent plus écrire, on ne s’en sortira jamais.  De toutes façons, leur destin est scellé, il n’y aura toujours qu’un seul Maurice Richard.

Survivre la suppléance :  voici d’autres suggestions pour éviter que votre journée de travail ne tourne au cauchemar.

Voici la référence pour ceux qui veulent se procurer un petit guide de survie qu’ils pourront apporter dans leur sac.  N’ayez crainte, il n’est pas trop cher.  Cliquez sur le lien suivant:  Guide de survie pour l’enseignant suppléant.

Guide du suppléant (en PDF) proposé par le syndicat des enseignantes et enseignants du programme francophone de la Colombie Britannique, vraiment complet.  Les conseils commencent à la page 11.  On donne même un exemple de rapport à fournir à l’enseignant absent.  Il y a bien sûr des sections de ce guide (surtout vers la fin) qui ne s’adressent pas à nous puisqu’ils sont spécifiques aux ententes syndicales de cette province. J’ai trouvé que cette petite action en disait long sur l’attention que ce syndicat porte aux employés à statut précaire.   Y a-t-il un équivalent ici au Québec?   Je n’en ai jamais entendu parler.  Peut-être que quelqu’un m’écrira pour me donner la référence si un tel document existe…  C’est ce genre d’attitude positive qui permet d’avancer, de supporter, d’aider et de produire quelque chose.  À tout déconstruire, on ne bâtit jamais rien.